
Cet article provient de futura-sciences.com
Pour les nuls en Astrophysique cet article est un peu aride mais tout de même diablement passionnant : imaginons l'Univers comme un immense cerveau composé de milliards de connexions neuronales, sauf que les neurones dans ce cas ont une longueur de plusieurs années-lumières et que tout ceci baigne non pas dans de la matière grise mais dans la matière noire, enfin vous me comprenez n'est-ce-pas ?
Une année-lumière est la distance parcourue par la lumière en une année. elle vaut 0,3066 parsecs, soit 9461 milliards de km ou encore 63240 unités astronomiques.
Les campagnes d'observation de la répartition
des galaxies en 3D, en particulier le célèbre Sloan Digital Sky Survey, nous ont montré que les superamas de galaxies se rassemblaient en filaments laissant des régions larges
de plusieurs dizaines de millions d'années-lumière presque vides de galaxies. On vient de détecter la présence de la matière noire dans ces vides.

Sur cette image provenant d'une des meilleures simulations de la formation des grandes structures de l'univers, des filaments de matière noire contenant des superamas de galaxies apparaissent clairement. On note aussi la présence de grands vides que l'on appelle parfois des vides cosmiques (cosmic voids en anglais) La barre blanche indique l'échelle des distances en mégaparsecs corrigée par le facteur h lié à la constante de Hubble. On estime que h est compris entre 0,65 et 0,70, la meilleure estimation en 2014 étant de 0,68.
La théorie de l'inflation permet de comprendre comment sont
nées et sont réparties à grande échelle les galaxies. L'inflaton, l'hypothétique champ scalaire qui aurait déclenché une phase d'expansion accélérée très
importante 10-37 secondes après l'hypothétique temps zéro de l'univers selon les mesures de Bicep2, devait être soumis à cette époque à des
fluctuations quantiques. Elles auraient engendré des fluctuations de densité dans la matière nouvellement créée à la fin de l'inflation par l'inflaton lui-même. Déjà dominante, la matière noire
se serait ensuite effondrée gravitationnellement, entraînant à son tour l'effondrement de la matière normale après la recombinaison, 380.000 après
le Big
Bang.
Ces fluctuations de densité vont former les
premières étoiles et les premières
galaxies. Au fil du temps, ces galaxies vont se rassembler en amas puis en superamas de galaxies. Il va
donc se former progressivement ce qu'on appelle les grandes structures de l'univers dans le cadre du modèle de la matière noire
froide (CDM pour cold dark matter en anglais). Ces grandes structures ont été observées par des programmes de cartographie de la
répartition des galaxies dans le cosmos observable. Le plus célèbre étant le Sloan Digital Sky Survey(SDSS). On arrive à reproduire leur formation à l'aide de simulations numériques. Si les premiers
stades de l'effondrement de la matière noire et de la matière baryonique peuvent se décrire analytiquement, parce qu'on reste dans des régimes que peuvent décrire des équations différentielles linéaires, ce n'est plus le cas au bout d'un moment. Comme cela arrive souvent avec des
équations non linéaires, il faut alors avoir recours aux ordinateurs.
GRANDES STRUCTURES DE L UNIVERS
Les grandes structures que l'on voit apparaître dans les
modèles numériques ressemblent beaucoup à celles que l'on observe, à savoir des superamas de galaxies qui se rassemblent pour former un réseau de filaments entourant des zones presque vides de
galaxies. À l'échelle de cubes de quelques centaines de millions d'années-lumière de côté, l'univers observable apparaît inhomogène, mais ce n'est plus le cas à des échelles supérieures, ce qui
permet de considérer les contrastes de densité comme négligeables et permet de décrire le cosmos à l'aide des modèles homogènes et isotropes simples de
la relativité
générale.

Une coupe en 2D dans la carte 3D du SDSS montrant la répartition des amas et superamas de galaxies. On voit clairement un réseau de filaments entrecroisés laissant des régions presque vides dans l'univers observable.
Nous savons qu'il y a de la matière noire dans les filaments formés de superamas, c'est même la
formation de filaments de matière noire qui est responsable du rassemblement des superamas. Il devrait y avoir aussi de la matière noire et un peu de matière baryonique dans les grands vides
observés par le SDSS. Comme dans le cas des filaments, on doit pouvoir observer leur présence par des effets de lentille gravitationnelle faible. Cela se traduit par des déformations caractéristiques des images des galaxies causées par la déviation des rayons lumineux sous l'influence de distributions de
matière.
LES VIDES COSMISQUES, DES LENTILLES GRQVITQTIONNELLES CONCAVES
Deux astronomes de l'université de Pennsylvanie, le professeur
Bhuvnesh Jain et son doctorant Joseph Clampitt, ont entrepris de vérifier l'existence de la matière noire dans ces vides cosmiques. La tâche n'avait rien d'évident, puisque ces vides contiennent
peu de galaxies, ce qui rend à priori difficile l'évaluation de la masse qu'ils contiennent par effet de lentille
gravitationnelle faible. Toutefois, parce que ces vides sont moins
denses que les filaments, ils se comportent comme des distributions de masses négatives. Alors que les distributions de galaxies dans les filaments se comportent comme
des lentilles convexes courbant les rayons
lumineux d'autant plus qu'elles sont massives, les vides se comportent comme des lentilles concaves.
Bien que l'effet soit faible et noyé dans un bruit de fond
généré par l'atmosphère de
la Terre et les imperfections des instruments d'observation, cette caractéristique permet à un algorithme approprié de faire émerger l'information recherchée à partir des
observations archivées concernant près de 40 millions de galaxies. Comme ils l'ont annoncé dans un article publié sur arxiv, les deux chercheurs sont bel
et bien parvenus à observer et mesurer la présence de la matière dans les grands vides. La densité y est moitié moindre environ que la densité moyenne de l'univers observable. Cela représente un
déficit de presque un million de milliards de masses solaires.
Personne ne pensait que cette mesure serait réalisable avec le
volume de données collectées par le SDSS avant que les deux astronomes n'aient eu une idée ingénieuse pour traiter correctement celles déjà disponibles. Il n'y a finalement pas eu besoin
d'attendre les résultats de futures campagnes d'observation. Les cosmologistes peuvent donc déjà utiliser les estimations sur les masses des vides cosmiques pour mieux contraindre et comprendre
la formation des galaxies et des grandes structures.
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