France : drones, Ovnis et centrales nucléaires, Février 2015

Des drones ont survolé Paris deux nuits consécutives, planant au-dessus de zones sensibles ou touristiques dont la Tour Eiffel, les Invalides et l'ambassade américaine. Le 20 janvier dernier, un autre engin avait été aperçu au dessus de l'Elysée. Cette mini vague de drones sur la capitale survient après celle plus inquiétante de survols du parc nucléaire français par des appareils non identifiés. Alors qu'aucun responsable de ces intrusions n'a été interpellé, certains témoignages concernant le survol des centrales nucléaires de ces derniers mois laissent entrevoir une toute autre histoire : et si ces drones avaient une origine beaucoup plus énigmatique ?

En quatre mois, les deux tiers des 19 centrales nucléaires françaises ont été survolés à une ou à plusieurs reprises. Et les centrales ne sont pas les seules visées par ces inquiétantes tournées d'inspection aériennes: dans la nuit du 26 et 27 janvier, le site militaire de l'île Longue, dans la rade de Brest, où sont abrités les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins français a aussi été visité. 

Dans la seule soirée du 31 octobre 2014, pas moins de six sites ont été visités entre 18 heures et 22 heures : les centrales de Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher), Dampierre en Burly (Loiret), Belleville-sur-Loire (Cher), Fessenheim (Haut-Rhin), Flamanville (Manche) et Penly (Seine-Maritime)

Une telle simultanéité sur une vaste étendue de territoire suppose une organisation et une logistique sans faille, guère à la portée d'une bande de plaisantins équipée de drones vendus dans le commerce.

«Le survol des centrales nucléaires est interdit dans un périmètre de cinq kilomètres et de 1.000 mètres d'altitude autour des sites. L'espace aérien au-dessus des centrales nucléaires est surveillé par l'armée de l'air, dans le cadre d'un protocole avec EDF», rappelle l'AFP.

Pourtant, après trois mois de survols qui remettent en cause la sécurité du parc nucléaire français, aucune arrestation n'a été effectuée, aucun drone n'a été abattu et aucune piste sérieuse n'est envisagée, du moins publiquement. On ignore même quels types d'appareils sont utilisés : «Les témoignages de gendarmes recueillis sur le site de Crès-Malville parlent de survols dans des conditions météo de vents de 70 km/h et avec de la pluie. On a des hélicoptères à Golfech qui suivent pendant 9 km ces drones. On a un drone qui circule entre Flamanville et la Hague sur 18 km. La thèse des petits drones que l’on pilote le nez sur la clôture ne tient pas» résume pour Science et Avenir Yannick Rousselet, en charge de la campagne sur le nucléaire chez Greenpeace.

"L’ARMÉE SE TROUVE CONFRONTÉE À UNE STRATÉGIE SOUTENUE PAR UNE TECHNOLOGIE 'EXOGÈNE'"


Pour l'instant, les drones qui survolent les centrales françaises sont donc au sens le plus littéral du terme des OVNIS, des Objets Volants Non Identifiés. De fait, la communauté française des spécialistes des OVNIS n'a pas tardé à s'emparer du sujet : l'ufologue Claude Levat a écrit le 6 décembre une «lettre ouverte au ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian» qu'il interpelle en ces termes :

«L’armée se trouve confrontée à une stratégie soutenue par une technologie "exogène". La même méthodologie peut nous faire craindre une poursuite aggravée de ces manifestations avec démonstrations ostensibles vis à vis d’un public non "préparé". En conséquence en tant que citoyens concernés par la défense du territoire, nous avons l’honneur de vous demander votre opinion concernant cette question.»

Une technologie «exogène», autrement dit non terrestre sous-entend Claude Lavat...

Le Geipan (groupe d'études et d'informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés), l'organisme officiel dépendant du CNES en charge de l'étude des PANS (Phénomènes Aérospatiaux Non identifiés, la terminologie scientifique désormais en vigueur pour désigner les OVNIs) a aussi été saisi par l'ufologue Jacky Kozan, de l'association «l'Académie d'ufologie» : «Vous avez certainement pris connaissance par les média nationaux et étrangers du fait que nos installations nucléaires civiles et militaires sont depuis plusieurs semaines survolées par des “engins non identifiés”. Ces nouvelles ont été confirmées fin octobre 2014 par un directeur national d’EDF s’exprimant sur les chaînes de télévision, en utilisant l’expression “engins volants non identifiés”. En conséquence et sans information provenant du GEIPAN, nous vous demandons de nous faire connaître les résultats d’une enquête qui a certainement été diligentée par le GEIPAN.»

Contrairement au ministère de la Défense, Xavier Passot, responsable du GEIPAN nommé en 2011 n'a pas tardé à répondre : 

«Pour votre information, le GEIPAN n’a pas été sollicité sur cette affaire récente de survol de centrales nucléaires. (…) Le GEIPAN, qui n’a été sollicité ni par EDF, ni par la gendarmerie, ni par aucun témoin sur cette affaire, n’a aucune activité sur ce sujet, si ce n’est la veille sur les informations de la presse. Et vous savez que nous n’avons pas mission d’aller chercher des observations inexpliquées. Nous sommes bien sûr très curieux de l’origine précise de ces engins volants, mais étant donné le lourd dispositif déjà déployé par la gendarmerie sur le sujet, l’apport du GEIPAN sur cette affaire serait bien maigre.»

Interrogé sur France Culture à propos de ces survols, Xavier Passot confirme mais laisse transparaître quelques doutes sur la version officielle  : «Je n'ai pas reçu personnellement de témoignages. Tous les témoins de ces survols sont des employés des centrales nucléaires. Mais je sais qu'une personne a vu quelque chose près de Golfech et a contacté les gendarmes. L'observation a été classée drone (…) Je ne sais même pas sur quels critères tous ces objets ont été identifiés comme des drones. J'espère que c'est sur de bons critères mais je n'en suis pas absolument certain.»

"NOUS SAVONS QU’UN TÉMOIN A DÉPOSÉ À LA GENDARMERIE UN TÉMOIGNAGE D’OBSERVATION À SISTEL"

Xavier Passot évoque aussi dans sa réponse à Jacky Kozan cette observation d'un PAN près de la centrale de Golfech, le jour d'un survol de drone, le 30 novembre 2014 : «Nous savons toutefois par les forums qu’un témoin a déposé à la gendarmerie un témoignage d’observation à Sistel. Comme d’autres témoins ont observé un drone survolant la centrale de Golfech ce jour-là, ce témoignage a rejoint le dossier de l’enquête judiciaire en cours sur le survol des centrales nucléaires par des drones.»

Ce témoignage, publié sur le forum Mystères des Ovnis est le seul à notre connaissance dans lequel un témoin extérieur à EDF corrobore le survol d'une centrale nucléaire et fournit une description précise de l'objet impliqué, à supposer qu'il s'agit du même objet que celui signalé par la direction de la centrale. Or, le récit du témoin, Marc T., ajoute encore au trouble concernant la nature exacte de cet engin volant:

«Observation du 30 Octobre 2014, entre 20h50 et 21h00. La maison où je me trouvais se situe en hauteur, sur l'un des coteaux de la commune... Avec une vue dégagée sur la Centrale de Golfech. (…)

On ne voyait qu'un gros point lumineux de couleur blanche (sans couleur) à l'horizon direction Nord Est vers Donzac (au dessus de Donzac pour être plus précis). A environs 4 à 5 kilomètres de nous et à une altitude de 200 m environ (pas beaucoup plus haut que les tours de la centrale elle-même). (…)

Puis il a commencé à bouger lentement à très faible vitesse. Tout en pivotant sur lui-même comme pour amorcer un virage. A ce moment là, j'ai pu voir aux jumelles (et mon ami à l’œil nu) une seconde lumière de type flash. Comme un stroboscope. (...)

Puis, il a commencé à se déplacer de plus en plus vite, à la vitesse d'un petit avion de type Cessna. Il se dirige maintenant plus vers St Loup, pour ensuite effectuer un virage assez serré se dirigeant alors dans notre direction. A mesure qu'il s'est rapproché de nous, j'ai pu voir aux jumelles un point rouge assez distinctement, assez brillant lui aussi. (…)

A environ 300 m de nous, de face, toujours avec son gros spot blanc, il reste presque immobile environ 15 à 20 secondes. J'ai alors eu le temps, mon ami aussi, de voir sa forme de face. C'est à ce moment là qu'il est le plus prêt de nous. Il a alors une forme "d'avion". Il ne faisait aucun bruit... rien du tout. On pouvait entendre la moissonneuse-batteuse sur le coteau d'à côté (à notre droite) mais rien pour cet objet. J'ai donc pu voir deux ailes. Son envergure faisait bien 6 à 7 m.

"J'AI OBSERVÉ UN OVNI TRIANGULAIRE, NOIR MAT AVEC TROIS LUMIÈRES CLIGNOTANTE"


 (…) Toujours aux jumelles, maintenant à 500 m de moi, mais cette fois de profil, j'ai été très surpris car j'avais beau le suivre (il n'avançait pas très vite) je n'arrivais pas à lui donner une forme précise. J'avais bien vu ces ailes juste avant, mais cette fois pratiquement de profil, je ne voyais pas bien les contours de l'objet. Ça faisait un peu l'effet d'un mirage dans le dessert.»

Résumons : un gros objet de six à sept mètres d'envergure, des lumières clignotantes, une forme floue «comme un mirage», une vitesse variable allant du sur-place à celle d'un avion de tourisme, aucun bruit, des «flashs stroboscopiques» que le témoin a interprété comme les flashs d'un appareil photographique... Il est clair que ce type de «drone» ne se trouve pas au supermarché du coin. Ci-dessous, une reconstitution de l'objet vu par les témoins :

Mais il y a plus étonnant encore. Le témoin a rapporté son observation aux gendarmes qui lui auraient confié avoir eux aussi vu quelque chose : «En discutant avec les gendarmes qui ont été très à l'écoute, ils m’ont dit avoir vu plus tard dans la soirée vers 21h50, près de l'un des ponts de la Garonne (…), quelque chose d’encore plus gros, bien plus imposant, presque comme un avion de ligne mais de forme carrée...»

Ce n’est pas la première fois que la centrale de Golfech est survolée par un engin mystérieux. En 2010, deux employés de la centrale ont observé et filmé un objet pour le moins insolite si l’on en croit cette description qui figure dans une enquête réalisée par l’ufologue Christophe Albiero: «Cela s'est déroulé le 6 octobre 2010 entre 20h15 et 20h17 à la centrale nucléaire de Golfech, à quelques mètres du bâtiment de sécurité du site. Il faisait très beau, le ciel est très clair, pas de vent, pas de nuages, visibilité parfaite, pas d'arbres vue complètement dégagée. J'ai observé un ovni triangulaire, noir mat avec trois lumières clignotantes blanches à chaque extrémité, et une rouge clignotante au centre. L'objet volait à basse altitude, j'ai pu le voir de très près. Il était assez grand et se déplaçait très lentement. J'ai pu le suivre a pied en marchant parallèlement à sa trajectoire. A un moment donné je me suis retrouvé pratiquement sous l'objet.

"L’OBJET EST DONC PASSÉ TRÈS PRÈS DES DEUX RÉACTEURS NUCLÉAIRE"


Celui-ci ne faisait aucun bruit (moteur, sifflement etc), il n'y avait pas de souffle, pas d’odeur. L'objet a continué sa route en silence puis à environ trente mètres de moi sur ma gauche, il a pivoté sur sa droite puis est parti toujours lentement en prenant de l'altitude se dirigeant vers une colline. (…)

Je travaille à la centrale nucléaire de Golfech. L’objet était si bas que pour nous il n'était pas au dessus de la centrale mais bien à l'intérieur aussi haut que les cheminées de la centrale d’environ 150/200 m. L’objet est donc passé très près des deux réacteurs nucléaire. Il a survolé l'allée centrale, le bâtiment sécurité du site sans déclencher d'alarme à notre grand étonnement.»

Les deux témoins, Pascal et Sofiane, âgés de 44 et 20 ans à l’époque, ont contacté le GEIPAN mais ils sont en désaccord complet avec la conclusion assez lapidaire du rapport de l’organisme public: «Observation probable d’un avion».

Les OVNIS et les centrales nucléaires semblent entretenir un rapport complexe depuis des décennies en France et dans le monde. Au point d’inquiéter les autorités responsables ?

Peut-être, du moins si l’on en croit cet article du Canard Enchaîné consacré à une affaire de piratage informatique mené à l’encontre d’un militant de Greenpeace paru le 8 avril 2009.

L’hebdomadaire révèle que des enquêteurs du groupe Geos, chargés d’un audit de la sécurité de la tour EDF de La Défense «ont mis la main sur un rapport confidentiel de 260 pages consacré aux… extraterrestres.» 

Que penser enfin de cette confidence de Pascal Pezzani, directeur de la centrale nucléaire du Blayais, elle aussi survolée le 13 octobre dernier ?

Lors de la «présentation des résultats 2014 et des perspectives de la centrale nucléaire» Pascal Pezzani, rapporte «Sud-Ouest» a «minimisé» les problèmes de sécurité:  «Ici, on n'a pas vu de drone. On a vu un ovni et il n'y a eu aucun impact sur la sûreté de nos sites.»

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