"Soucoupes volantes" : un Brestois docteur en histoire des Ovni ! - 11 décembre 2017

Thomas Margout a travaillé pendant six ans sur les « soucoupes volantes ». Le résultat de son travail lui a valu un doctorat en histoire

 

Depuis ce vendredi, Thomas Margout, 30 ans tout juste, est devenu docteur en histoire. Reste que le sujet de thèse qui lui a valu ce titre universitaire n'a rien de banal, puisqu'il s'attache à développer « Le soucoupisme français entre 1945 et 2012 », où comment les Ovni ont développé ce que le jeune chercheur appelle « une religion, dans le sens premier à savoir ce qui relie les gens au sein d'une même pensée ».

Interview 

 

- D'où vous est venu ce sujet assez étrange ? 

 

« Je voulais du bizarre, de l'étrange. J'avais effleuré plusieurs sujets mais je me heurtais parfois à la barrière des langues. Avec mon directeur de thèse, Fabrice Bouthillon, nous avions évoqué entre autre la symbolique nazie et puis un jour, les Ovni me sont apparus. En creusant, je me suis rendu compte qu'il n'y avait aucun travail universitaire sur le sujet, juste des livres d'ufologues ou de journalistes, qui sont parfois les mêmes. Et s'il existe déjà des publications sérieuses sur le sujet, aucune d'elles n'évoquait les croyances à l'après-guerre. Mon idée était d'analyser comment s'organisent les croyances autour des gens qui l'animent. J'ai mis six ans pour parvenir à un résultat de 400 pages où je ne juge pas. Je dois dire qu'au début de ce travail, j'avais un certain parti pris en imaginant rencontrer des doux-dingues mais aujourd'hui, la seule chose dont je suis convaincu est que la majorité des ufologues n'est pas composée de menteurs, d'ignares ou de types bourrés qui ont vu un truc dans le ciel ».

 

- À savoir ? 

 

« L'immense majorité des ufologues, qui n'aime pas trop le terme de soucoupiste, est composée de gens parfaitement sérieux. Ils le sont devenus parce qu'ils ont observé un phénomène qu'ils ne peuvent pas expliquer. Ils s'alimentent de ça.

 

Il existe deux types d'observation qui sont la vision d'objets immatériels ou ce qu'ils appellent les rencontres rapprochées.

 

La deuxième catégorie est spécialement rare en France.

 

Sur la base de données que j'ai construite, sur les 700 cas observés en France depuis 1989, il n'existe que dix rencontres rapprochées où des gens certifient avoir vu des extraterrestres.

 

Deux fois seulement, ils auraient parlé et deux fois à des femmes new-age.

 

Il y a un côté marial, puisque l'on s'approche beaucoup des apparitions de la Vierge Marie, et je répète, c'est très marginal.

 

Le soucoupisme est très majoritairement une affaire d'hommes, de classe moyenne ou moyenne-supérieure et urbaine ».

 

- Que cherchent-ils ?

 

« Ils cherchent à comprendre ce qu'ils sont convaincus d'avoir vu et à échanger avec d'autres.

J'ai notamment rencontré des profs, des professions libérales.

Ces gens-là ne sont pas des affabulateurs, et les explications qui leur sont données ne leur conviennent pas. Beaucoup de mystères ont été levés mais pas tous ».

- Comment les recenser ? 

 

« Vous savez, en France et nulle part ailleurs en Europe je crois, la matière est prise au sérieux puisque nous finançons un département public qui s'en occupe et se nomme le Groupement d'études et d'informations pour les phénomènes spatiaux non-identifiés (Geipan).

 

Pour résumer, quand vous apercevez quelque chose, vous avez deux choix.

Soit vous en faites part à un groupe d'ufologue simplement, soit vous allez signaler le phénomène en police ou en gendarmerie.

 

Les autorités font remonter le tout au fameux Geipan qui classe les manifestations en quatre catégories, de A, où l'explication est simple, à D, où aucune explication scientifique ne peut satisfaire.

 

Chaque année, entre 10 à 15 % des signalements sont classé en D. Je n'en tire pas plus d'enseignement.

C'est une statistique, c'est tout.

 

Vous savez, mon sujet de recherche me fait penser à ces scientifiques qui vont explorer les grands fonds marins, au milieu de la fosse des Mariannes. On se trouve à un carrefour où des gens vous disent qu'il n'y a rien et d'autres qui se disent qu'on va bien finir par trouver quelque chose ».

 

- Quelles sont les explications rationnelles qui ont le plus convaincu les ufologues que l'Ovni n'en était pas un ? 

 

« La plus commune, si l'on excepte ceux qui ne connaissent pas ISS qui brille dans le ciel, est les lasers de boîte de nuit et notamment ce que l'on a appelé un temps les « sky trackers », des lasers en mouvement, qui ont provoqué une peur inouïe, il y a quelques années. On ne peut pas non plus sous-estimer les avions de surveillance qui par définition sont discrets et qui permettent d'avancer que les gens délirent quand ils les ont vus. Enfin, la foudre en boule est aussi un sujet récurrent. Quand la foudre tombe, elle peut rester en lévitation quelques minutes avant de disparaître soudainement ».

 

 

Le docteur qui n'aimait pas l'école

 

Rien ne prédestinait Thomas Margout à devenir un jour docteur en histoire.

 

« Je n'aimais pas le système scolaire. Moi, je voulais faire un CAP et puis c'était tout ».

 

Ses parents le convainquent difficilement de suivre et obtenir un bac technologique, et puis il se dirige vers la fac

d'histoire « parce que j'aimais bien ça ».

 

Il accroche, « rame pas mal en première année parce qu'il fallait que je lise ce que je n'avais pas lu » et rencontre le professeur Bouthillon en deuxième année.

 

« J'ai su que je ferai une thèse avec lui ».

 

Professeur remplaçant dans le Limousin en histoire-géo,

« pour financer mes études comme je l'ai toujours fait »,

Thomas Margout sait que ce titre honorifique de docteur « ne me servira pas à grand-chose.

 

Mais c'est une grande fierté ».

 

Il envisage à court terme de revenir dans les parages où il a passé son lycée et son université, et imagine déjà d'autres terrains de jeux. « Moi, je veux garder le côté bizarre, ésotérique. L'époque est propice avec les nouveaux mouvements religieux. J'adore ça ».

 

 

Générations soucoupes

 

Dans sa recherche, Thomas Margout a recensé ce qu'il appelle les quatre générations d'ufologues.

 

Et chacune d'entre elles répond à des caractéristiques bien précises, au point de ne pas tout à fait se ressembler.

 

« La première court pour moi de 45 à 77. Ce sont des gens qui ont vu quelque chose, notamment après la vague de 1954, et ils essaient de comprendre. Il y a notamment un scientifique connu, Jacques Vallée, qui inspirera Spielberg pour le rôle tenu par Truffaut dans « Rencontres du troisième type ».

Avec d'autres universitaires, ils se cachent et forment un labo qu'ils nomment « le laboratoire invisible ».

C'est cette structure qui accouchera du Geipan », détaille le chercheur.

 

La deuxième génération est radicalement différente et se compose globalement des hommes de la première génération.

« Elle arrive en 1977 lorsque certains, déçus par le peu de résultats, retournent leur veste et cherchent à démonter leur théorie. À mes yeux, ils restent des soucoupistes parce qu'ils passent leur temps à trouver une autre explication pour un même fait », dit celui qui sait que cette hypothèse ne va pas lui faire que des amis.

Ils sont rejoints par l'union rationaliste, mouvement luttant contre l'ésotérisme et estimant que les lumières mystérieuses « sont des lumières de phare dans les yeux d'une vache ». Vaste programme.

 

Le vrai tournant du soucoupisme arrive en 1993, et la naissance de la troisième génération, biberonnée

« à X-Files, qui va tout changer. À partir de ce moment, ce phénomène qui pouvait être joyeux va s'assombrir. Les apparitions deviennent plus inquiétantes et la théorie du complot universel jaillit, avec la levée du grand secret et tout ça ».

 

Cela va durer jusqu'en 2000 où l'arrivée d'Internet va tout bousculer et faire éclore la quatrième génération, toujours en vogue, « où la nécessité d'avoir vu quelque chose pour devenir ufologue va s'évanouir via les réseaux et les différents forums, où tout un tas de personnes s'affranchissent du bagage culturel ».

 

La thèse de Thomas Margout prend fin en 2012 et la supposée fin du monde « où tout le monde s'est retrouvé à Bugarach pour la fin du monde annoncée, sauf la deuxième génération ».

 

Un vaste (et heureux) flop qui ne remet pas en doute les croyances fortes de certains allumés : « pour eux, si les extraterrestres ne sont pas arrivés là, c'est qu'ils sont arrivés autre part ». Pas loin de chez un certain M. Vincent. David de son prénom.

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