Les ovnis aperçus dans le ciel du Loiret sont-ils la preuve d'une vie extraterrestre ? Février 2019

Article proposé par Liberation.fr service checknews

 

Certains témoignages rapportés par un quotidien du centre de la France ne permettent pas de se faire une idée. D'autres correspondent à des lanternes thaïlandaises. Mais difficile d'être conclusif.

"Bonjour,

 

Vous faites référence dans votre question aux ovnis décrits dans l’article de La République du Centre paru en octobre dernier et intitulé «Ovnis au-dessus du Loiret : vos photos, vidéos et témoignages parfois édifiants».

 

Des phénomènes dans le ciel y ont en effet été jugés étranges par beaucoup d’habitants de la région Centre-Val de Loire.

 

Ils en ont fait part au quotidien régional, qui les a compilés.

 

Dans son article publié le 24 octobre 2018, le journaliste explique qu’«entre 150 et 200 mails nous ont été envoyés (en plus de dizaines de coups de fil), parfois avec photos, vidéos» sur le sujet, à la suite de l’appel à témoins lancé deux semaines plus tôt dans le journal, ainsi que sur le site web et les réseaux sociaux du quotidien.

 

Les témoignages, et il y en a beaucoup, ne décrivent pas tous la même chose. Pour autant, certaines particularités reviennent.

 

Les ovnis en questions seraient trois à quatre boules lumineuses, blanche ou parfois colorées, qui se déplacent rapidement, toujours sans faire le moindre bruit.

 

Ils sont repérés généralement soit en début de soirée, soit à l’aube. Et si l’on comprend qu’ils seraient apparus entre fin septembre et mi-octobre, les journées d’observation ne sont jamais précisément indiquées.

 

Claude, habitant à Lamotte-Beuvron dans le Loir-et-Cher, présente peut-être un des récits les plus détaillés dans ces articles.

 

Il raconte ce qu’il a vu dans la nuit du 3 octobre vers 21h20 : «Des sphères lumineuses, deux blanches et une rouge beaucoup plus grosse. Impossible d’évaluer ni leur taille ni leur distance, mais j’ai pu les observer huit minutes dans le ciel, avant qu’elles ne disparaissent à une vitesse hallucinante.»

 

Un habitant de la même commune a également filmé un phénomène similaire, qu’il a ensuite posté sur YouTube, le 4 novembre 2018.

 

 

«Très peu se risquent à avancer une piste extraterrestre»

 

Un point définition s’impose tout d’abord. Un ovni est exactement ce que l’acronyme définit : un objet volant non identifié. Voir un ou plusieurs ovnis signifie simplement que l’on voit des choses dans le ciel que l’on ne peut pas expliquer, en tout cas sur le moment.

 

Ce terme est néanmoins très souvent associé à l’image des soucoupes volantes et aux théories sur les visites extraterrestres.

 

Le groupe d’études et d’informations Geipan, du centre national d’études spatiales (CNES), en charge d’enquêter sur les manifestations célestes ou spatiales non expliquées depuis 1978, préfère pour cette raison au terme ovni les termes de «phénomènes aérospatiaux non identifiés», qui lui donnent son acronyme.

 

A ce sujet, le journaliste du quotidien précise dans son papier que «très peu [de témoins] se risquent par ailleurs à avancer une piste extraterrestre. Même si elle peut parfois brûler certaines lèvres…»

 

Or, vous nous interrogez justement sur le lien entre ces nombreuses observations d’ovnis dans le Loiret et la possibilité d’une vie extraterrestre.

 

Il nous est, à vrai dire, impossible de répondre avec certitude. Il nous faudrait pour cela avoir étudié en détail chacun des témoignages évoqués dans l’article, mais CheckNews n’a pas pu tous les consulter.

 

Pour autant, nous avons essayé dans la mesure du possible, d’expliquer certaines de ces occurrences.

 

«Tous les phénomènes peuvent être expliqués différemment»

 

«La première des choses à faire pour trouver des explications à un phénomène, c’est de regarder les images.

Dans le diaporama de quatorze images présentées dans l’article, on remarque déjà que deux photos sont datées, respectivement, de 2014 et de 2016.

 

Elles n’illustrent donc pas le propos de l’article, analyse Olivier Las Vergnas, président de l’association française d’astronomie et universitaire.

"Beaucoup de ces images sont difficiles à lire, sur l’une il pourrait s’agir d’un avion, et sur l’autre de la Lune."

 

Deux des photos - celles qui montrent un point lumineux argenté en pleine journée au-dessus de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux dans le Loir-et-Cher - ne correspondent pas non plus aux témoignages rapportés dans l’article, selon l’astronome.

 

Il pointe aussi du doigt le fait qu’aucune image ne montre la «forme triangulaire avec des lumières en dessous», que décrivent certains témoins.

 

«Il est difficile d’attribuer une explication commune à des phénomènes si différents. Tous peuvent être expliqués différemment.»

 

Toutefois, notre interlocuteur l’admet :

 

«Ce qui suscite mon intérêt dans les témoignages rapportés, ce sont ces gens qui parlent d’une vitesse incroyable, ou de mouvements brutaux. L’article ne contient malheureusement aucune vidéo qui illustre ces dires».

 

«Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agissait de lanternes thaïlandaises»

 

L’article comprend par ailleurs deux vidéos qui montrent chacune trois points lumineux se déplaçant ensemble de façon assez fluide.

 

Pour Olivier Las Vergnas, ces mouvements correspondent assez bien à des lanternes thaïlandaises ou lanternes célestes, ces bougies volantes lâchées dans le ciel pour diverses célébrations. Le Geipan a consacré une vidéo explicative sur ces lanternes.

 

 

D’ailleurs, le Geipan considère que l’habitant Lamotte-Beuvron a bien vu ce phénomène, et pas une preuve de vie extraterrestre.

 

L’homme a en effet contacté la gendarmerie à propos de ses observations le 3 octobre dernier. Gendarmerie qui a ensuite transmis son dossier au groupe d’étude sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés.

 

«Après enquête sur ce cas et sur les photos envoyés par le témoin, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il s’agissait de lanternes thaïlandaises. La trajectoire, conforme au vent, et l’aspect très lumineux et coloré de rouge ou orange sont compatibles avec ce que l’on connaît de ces objets. Il y a aussi le fait qu’il n’y ait pas de bruit qui les accompagne et qu’elles s’éteignent une par une, détaille à CheckNews Jean-Paul Aguttes, directeur du Geipan.

Le seul bémol que nous aurions à cette explication est que ces lanternes sont généralement lancées les week-ends ou durant les vacances et que là il s’agissait d’un mercredi. Mais il peut parfois y avoir des lâchers le jour d’un anniversaire.»

 

Une lanterne thaïlandaise une fois lancée peut voler pendant 15 minutes, d’après une note du Geipan consacrée au sujet.

 

Selon les conditions météorologiques, ces lanternes peuvent être vues de très loin. La vitesse du déplacement de ces ballons d’air chaud dépend entièrement de la force du vent le jour du lâcher.

 

Il y a eu quatorze lâchers de lanternes thaïlandaises autorisés dans le Loiret entre le 23 juin et le 15 septembre 2018, selon les informations que nous a transmises la préfecture.

 

Certains assez loin des communes des témoins recensés dans l’article, d’autres plus proches. Il y a eu par exemple quatre lâchers de lanternes célestes à Chaingy tout au long de l’été. Celles-ci auraient pu être visibles de toute l’aire urbaine d’Orléans, où résident de nombreux témoins d’ovnis ayant parlé à La République du Centre.

 

À noter que sur les 200 cas d’ovnis étudiés par an par le GEIPAN, près de 20% des cas exploitables sont expliqués par des lanternes thaïlandaises.

 

«On a eu une démultiplication incroyable du nombre de sources d’ovnis»

 

Tous les témoignages recueillis par La République du Centre ne peuvent pas systématiquement être expliqués par des lâchers de lanternes thaïlandaises.

Vient alors l’hypothèse de Richard, d’Ingré.

 

Cité dans le papier, il dit avoir vu des drones ou de nouveaux engins militaires testés par la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy située dans le secteur où ont été repérés certains ovnis.

 

Mais cette hypothèse est récusée par les militaires.

 

«Nous possédons bien des drones, mais nous ne les faisons pas voler, car ils sont dédiés aux forces spéciales. Nous n’avons pas d’unité sur la base dédiée à cela. Sans compter que ceux-ci sont petits et sont donc durs à repérer», nous explique leur service communication.

 

La base ajoute n’avoir rien remarqué d’anormal sur ses radars durant l’été 2018 qui pourrait expliquer certains ovnis. Tout comme les institutions spécialisées dans l’observation du ciel, comme le réseau Fripon ou Vigie-Ciel, qui n’ont rien relevé d’anormal lors de cette période.

 

VOUS NOUS AVEZ AUSSI DEMANDÉ :

 Une vidéo déclassifiée en décembre 2017 montre un OVNI aux USA. Qu’en penser?

 

Alors que reste-t-il pour expliquer ces témoignages ?

 

«Dans les vingt ou dix dernières années, on a eu une démultiplication incroyable du nombre de sources d’ovnis. Avec les drones, les avions, les satellites, les débris qui entrent dans l’atmosphère et aussi tous les objets volants type lanterne ou autre, le ciel est de plus en plus rempli d’objets divers et variés qui peuvent être pris pour des ovnis, remarque Olivier Las Vergnas, de l’association française d’astronomie.

 

D’autant que nous avons tous des smartphones et la possibilité de prendre en photo et de mettre en commun nos trouvailles avec d’autres.»

 

Le journaliste à l’origine de l’article, contacté par CheckNews, tient à insister sur la sincérité des témoignages reçus :

 

«Il ne s’agit pas de personnes illuminées, ce sont des gens qui ne comprennent pas ce qu’ils ont bien pu voir, qui sont parfois terrifiés, ou qui n’en dorment plus la nuit.»

 

Jean-Paul Aguttes, du Geipan, abonde :

 

«Les témoins sont des gens comme vous et moi, qui n’ont généralement rien demandé à personne, mais ils ont vu quelque chose qui les tracasse, et c’est tout à leur honneur de s’interroger sur l’origine de ce qu’ils voient.»

 

Entre 2007 et 2016, le groupe d’étude n’a recensé que 5% de cas véritablement inexpliqués.

 

Cordialement,

 

Clémence Labasse

 

Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat entre le service CheckNews de Libération et l’Ecole supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, par une étudiante de la 93e promotion.

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