L’univers est-il conscient ? - Mai 2020

 

Les mathématiques peuvent-elles modéliser la conscience et l’expérience ressentie ?

Le New Scientist s’interroge dans sa dernière édition.

 

 

“L’univers est-il conscient ?”, c’est la question que pose le New Scientist en une de son édition hebdomadaire datée du 2 mai. Pour répondre à cette question, qui en réalité demande si l’on peut modéliser la conscience, le magazine scientifique britannique fait appel aux mathématiques. Et à ce que les mathématiciens appellent “l’efficacité déraisonnable des mathématiques”. “Ce concept, inventé par le physicien Eugene Paul Wigner dans les années 1960, décrit le fait curieux que, simplement en manipulant les nombres, nous pouvons décrire et prédire toutes sortes de phénomènes naturels avec une clarté étonnante, des mouvements des planètes et du comportement étrange des particules fondamentales aux conséquences d’une collision entre deux trous noirs à des milliards d’années-lumière”, rappelle le New Scientist.

 

“La question de savoir comment la matière donne naissance à l’expérience ressentie est l’un des problèmes les plus épineux que nous connaissions”, poursuit l’hebdomadaire, dans un article étoffé qui revient sur le premier modèle mathématique complexe de la conscience, qui a suscité un énorme débat.

 

De fait, ce que les mathématiciens suggèrent, c’est que si nous voulons obtenir une description précise de la conscience, nous devrons peut-être abandonner nos intuitions et accepter que toutes sortes de matières inanimées puissent être conscientes - peut-être même l’univers dans son ensemble, poursuit l’hebdomadaire. Comme le résume Johannes Kleiner, mathématicien au Munich Center for Mathematical Philosophy en Allemagne :

 

Cela pourrait être le début d’une révolution scientifique”

 

En effet, malgré leurs immenses avancées, les neurosciences ne sont toujours pas en mesure de décrire la conscience.

 

“La dure vérité est que les neurosciences ne nous ont pas rapprochés de la question de savoir comment les neurones provoquent la joie ou la colère, ou l’odeur du café”, résume le New Scientist. La difficulté provient de la nature intrinsèquement subjective de l’expérience ressentie. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut produire et mesurer.

 

Comment modéliser le fait de sentir l’odeur du café ?

 

Ça n’a pas empêché des mathématiciens de se pencher sur le phénomène.

À travers la théorie de l’information intégrée, ou IIT, conçue il y a plus de dix ans par Giulio Tononi, neuroscientifique à l’Université du Wisconsin. Son idée de base était que la conscience d’un système résulte de la façon dont l’information se déplace entre ses sous-systèmes. En se basant sur la capacité des mathématiques à traduire des concepts en conjonctions formelles et logiques, “cela pourrait nous aider à quantifier des expériences comme l’odeur du café d’une manière inaccessible à la langue anglaise”, avance Kleiner.

 

Dans ce modèle, les sous-systèmes sont comme des îles, chacune abritant sa propre population de neurones. Et ces îles sont reliées par des flux d’information. La conscience serait alors le fruit des interactions complexes entre les îles – et surtout de leur interdépendance.

 

Dans cette théorie, le siège de la conscience est donc le cerveau.

 

Depuis dix ans, l’IIT a gagné des adeptes, indique le New Scientist. “Théoriquement, c’est très attrayant”, explique Daniel Bor à l’Université de Cambridge.

 

Il y a cette association entre la conscience et l’intelligence : les créatures capables de se reconnaître dans le miroir semblent également être les plus intelligentes. Un lien entre la conscience et l’intelligence semble donc raisonnable.”

 

Mais l’IIT a aussi ses détracteurs, et parmi eux, le philosophe John Searle.

 

Pour lui, le fait que l’IIT ignore la question de savoir pourquoi et comment la conscience surgit en faveur de l’hypothèse douteuse qu’il s’agit simplement d’un sous-produit de l’existence de l’information, indique qu’elle “ne semble pas être une proposition scientifique sérieuse”.

 

Malgré ces critiques, plutôt que d’abandonner un modèle prometteur, Kleine pense que nous devons clarifier et simplifier les mathématiques qui le sous-tendent. C’est pourquoi lui et Tull se sont mis à essayer d’identifier les éléments mathématiques nécessaires à l’IIT. Leur proposition est résumée dans un article en prépublication depuis février.

 

Ce qu’ils visent ? Développer les outils pour que les mathématiciens puissent créer des modèles améliorés de conscience basés sur les prémisses de l’IIT - ou, mieux encore, des théories concurrentes. “Nous serions heureux de contribuer au développement ultérieur de l’IIT, mais nous espérons également contribuer à améliorer et à unir les différents modèles existants”, a déclaré Kleiner.

 

“Finalement, nous pourrons peut-être en proposer de nouveaux.”

 

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