Pour la première fois, des astronomes ont peut-être entendu le "bourdonnement" de fond de l’Univers

Image d’entête : schéma présentant la lumière des pulsars voyageant vers la Terre au milieu d’une mer de vagues (ondes) gravitationnelles. (NANOGrav/ T. Klein)

 

 

D‘après ce que nous savons des ondes gravitationnelles, l’Univers devrait en être rempli.

 

Chaque paire de trous noirs ou d’étoiles à neutrons qui entrent en collision, chaque supernova qui s’effondre, même le Big Bang lui-même, devrait avoir envoyé des ondes dans l’espace-temps.

 

Après tout ce temps, ces ondes seraient faibles et difficiles à trouver, mais on prévoit qu’elles formeront toutes un “bourdonnement” résonnant qui imprègnera notre Univers, appelé fond stochastique d’onde gravitationnelle (en anglais, gravitational wave background). Et nous venons peut-être d’en saisir le premier indice.

 

Vous pouvez penser à cet arrière-plan d’ondes gravitationnelles comme au bourdonnement laissé par des événements massifs tout au long de l’histoire de notre Univers, potentiellement inestimable pour notre compréhension du cosmos mais incroyablement difficile à détecter.

 

Selon l’astrophysicien Joseph Simon de l’Université du Colorado à Boulder (Etats-Unis) et de la collaboration NANOGrav :

 

"C’est incroyablement excitant de voir un signal aussi fort émerger des données.

 

Cependant, comme le signal d’onde gravitationnelle que nous recherchons s’étend sur toute la durée de nos observations, nous devons bien comprendre notre bruit. Cela nous laisse dans une situation très intéressante, où nous pouvons fortement exclure certaines sources de bruit connues, mais nous ne pouvons pas encore dire si le signal provient bien d’ondes gravitationnelles. Pour cela, nous aurons besoin de plus de données."

 

Néanmoins, la communauté scientifique est enthousiaste. Plus de 80 études citant les recherches ont été publiées depuis que la prépublication de l’équipe a été diffusée en septembre de l’année dernière.

 

Des équipes internationales ont travaillé dur, analysant les données pour tenter de réfuter ou de confirmer les résultats de l’équipe. S’il s’avère que le signal est réel, cela pourrait ouvrir une toute nouvelle étape de l’astronomie des ondes gravitationnelles, ou nous révéler des phénomènes astrophysiques entièrement nouveaux.

 

Le signal provient de l’observation d’un type d’étoile morte appelé pulsar. Il s’agit d’étoiles à neutrons qui sont orientées de telle sorte qu’elles émettent des faisceaux d’ondes radio depuis leurs pôles lorsqu’elles tournent à des vitesses de l’ordre de la milliseconde, comparables à celles d’un mixeur de cuisine.

 

Ces éclairs sont chronométrés avec une incroyable précision, ce qui signifie que les pulsars sont probablement les étoiles les plus utiles de l’Univers. Les variations de leur synchronisation peuvent être utilisées pour la navigation, pour sonder le milieu interstellaire et pour étudier la gravité. Depuis la découverte des ondes gravitationnelles, les astronomes les utilisent également pour les rechercher.

 

En effet, les ondes gravitationnelles déforment l’espace-temps lorsqu’elles se propagent, ce qui devrait théoriquement modifier, même très légèrement, la synchronisation des impulsions radio émises par les pulsars.

 

L’arrière-plan (des ondes gravitationnelles) s’étire et se rétrécit dans l’espace-temps entre les pulsars et la Terre, ce qui fait que les signaux des pulsars arrivent un peu plus tard (s’étirent) ou plus tôt (se rétrécissent) que ce qui se produirait en l’absence d’ondes gravitationnelles.

 

 

Un seul pulsar avec une pulsation irrégulière ne signifierait pas nécessairement grand-chose. Mais si tout un groupe de pulsars présentait un schéma corrélé de variation temporelle, cela pourrait constituer une preuve du fond d’onde gravitationnelle.

 

Une telle collection de pulsars est connue sous le nom de réseau de synchronisation des pulsars (pulsar timing array), et c’est ce que l’équipe du NANOGrav a observé, soit 45 des pulsars milliseconde les plus stables de la Voie lactée.

 

Ils n’ont pas encore détecté le signal qui confirmerait le fond d’onde gravitationnelle. Mais ils ont détecté quelque chose, un signal qui, comme l’explique Shannon, varie d’un pulsar à l’autre, mais présente à chaque fois des caractéristiques similaires. Ces écarts ont entraîné des variations de quelques centaines de nanosecondes au cours des 13 années de la campagne d’observation, a noté M. Simon.

 

Il y a d’autres éléments qui pourraient produire ce signal. Par exemple, un réseau de synchronisation de pulsars doit être analysé à partir d’un cadre de référence qui n’est pas en accélération, ce qui signifie que toute donnée doit être transposée au centre du système solaire, appelé barycentre, plutôt qu’à la Terre.

 

Si le barycentre n’est pas calculé avec précision, ce qui est plus délicat qu’il n’y paraît puisqu’il s’agit du centre de masse de tous les objets en mouvement dans le système solaire, vous pourriez recevoir un faux signal.

 

L’année dernière, l’équipe du NANOGrav a annoncé qu’elle avait calculé le barycentre du système solaire à 100 mètres près.

 

 

"Lorsque vous vous imaginez le système solaire , la plupart des gens pensent au Soleil, immobile et fixe au centre, avec tout le reste qui tourne autour. Mais chaque corps du système solaire exerce également sa propre attraction gravitationnelle sur l’étoile, ce qui la fait bouger un tout petit peu.

 

Par conséquent, le centre gravitationnel précis (ou barycentre) du système solaire n’est pas situé au milieu du Soleil, mais quelque part plus près de sa surface…"

 

Il est encore possible que cette différence soit la source du signal qu’ils ont trouvé, et il faut encore travailler pour le déterminer.

 

En effet, si le signal provient réellement d’un bourdonnement d’onde gravitationnelle résonnante, ce serait un énorme problème, car la source de ces ondes gravitationnelles de fond est probablement un trou noir supermassif (SMBH).

 

Puisque les ondes gravitationnelles nous montrent les phénomènes que nous ne pouvons pas détecter électromagnétiquement, comme les collisions de trous noirs, cela pourrait aider à résoudre des énigmes telles que le problème du parsec final, qui pose que les trous noirs supermassifs pourraient ne pas pouvoir fusionner, et nous aider à mieux comprendre l’évolution et la croissance galactique.

 

Plus tard, nous pourrions même être en mesure de détecter les ondes gravitationnelles produites juste après le Big Bang, ce qui nous donnerait un aperçu unique sur les débuts de l’Univers.

 

Il y a, pour être clair, beaucoup de travail scientifique à faire avant d’en arriver là.

 

D’autres équipes travaillent également sur l’utilisation de réseaux de synchronisation des pulsars pour détecter les ondes gravitationnelles. OzGrav fait partie du Parkes Pulsar Timing Array, qui publiera bientôt l’analyse de ses séries de données sur 14 ans. L’European Pulsar Timing Array est également en plein travail. Le résultat de NANOGrav ne fera qu’accroître notre enthousiasme et l’anticipation qu’il y a quelque chose à trouver.

 

L’étude publie dans The Astrophysical Journal Letters : The NANOGrav 12.5 yr Data Set: Observations and Narrowband Timing of 47 Millisecond Pulsars et présentée sur le site du NANOGrav : NANOGrav Finds Possible ‘First Hints’ of Low-Frequency Gravitational Wave Background.

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