ARRAKIHS : objectif la matière noire

Exemple de coquilles stellaires et de courants de marée dans le halo de galaxies proches à partir d’images au sol. ARRAKIHS permettra d’obtenir des images 10 fois plus profondes. Crédit : Martinez, Delgado et al

 

Le consortium ARRAKIHS, dont l’EPFL est le leader scientifique, vient de passer avec succès la revue de définition de la mission du projet, un premier jalon très important vers l’achèvement complet de la préparation de la mission.

 

ARRAKIHS est un satellite sélectionné par l’ESA pour étudier la nature de la matière noire. Il sera lancé en 2030.

 

Lorsque vous observez le ciel nocturne, certaines étoiles témoignent des premiers stades de formation de l’univers et peuvent appartenir aux premières petites galaxies formées. Ces structures sont extrêmement ténues dans le ciel nocturne et, selon nos connaissances actuelles, elles sont également dominées par la matière noire.

 

La matière noire est une matière qui a été détectée par gravitation mais qui est invisible. L’identification et la caractérisation de ces structures nécessitent des stratégies d’observation spécifiques et dédiées. Au cours de la prochaine décennie, la deuxième mission spatiale « F » de l’ESA, baptisée ARRAKIHS, recherchera ces structures très ténues, car elles sont essentielles pour élucider la nature de la matière noire.

 

« L’ESA l’appelle une mission F, où F signifie rapide », explique Pascale Jablonka du LASTRO de l’EPFL, qui dirige également la composante scientifique d’ARRAKIHS.

 

Pour être considérée comme une mission de classe F, ARRAKIHS doit remplir un certain nombre de conditions : le coût total pour l’ESA, y compris les opérations, doit être inférieur à 175 millions d’euros ; la mission doit être autonome et dirigée par l’ESA ; elle doit être développée selon une approche de conception à coût constant et la durée totale du développement, depuis la sélection de la mission en novembre 2022 jusqu’à son lancement, doit être inférieure à huit ans.

 

Sélectionné en 2022 par l’ESA comme deuxième mission F, les membres du consortium européen ARRAKIHS, dirigé par l’Espagne avec une forte participation de la Suisse, ont travaillé ensemble l’année dernière pour achever la phase initiale de l’étude de la mission, appelée phase zéro. Le 27 septembre, ARRAKIHS a franchi sa première étape, la « revue de conception de la mission », donnant au consortium ARRAKIHS et à l’équipe d’étude de l’ESA le feu vert pour passer aux phases suivantes du projet.

 

« Nous sommes très enthousiastes. C’est un moment de joie et d’émotion que de passer cette première phase. Cela signifie que la mission est maintenant concrètement valorisée. Nous entrons dans une phase encore plus active du projet, pour laquelle nous avons besoin du soutien des agences nationales », explique Jablonka.

 

Au cours des deux prochaines années et demie, le consortium de la mission travaillera avec l’ESA et l’industrie sur la prochaine phase d’étude, appelée définition de la mission ou phase A/B, qui couvre la définition de tous les aspects de la mission, y compris la science, l’instrument scientifique, le vaisseau spatial et les opérations. Cette étude détaillée de la faisabilité de la mission aboutira à un examen par des équipes de scientifiques et d’ingénieurs indépendants. En cas de succès, l’ESA recommandera à son comité du programme scientifique (composé de délégués de tous les États membres de l’ESA) d’adopter ARRAKIHS et de passer à sa mise en œuvre.

 

ARRAKIHS dévoilera l’invisible

 

Selon le modèle cosmologique standard actuel, où la gravitation est régie par la théorie d’Einstein, l’univers est composé de 27 % de matière noire, de 68 % d’énergie noire, et seuls les 5 % restants constituent la matière ordinaire telle que nous la connaissons et la voyons, c’est-à-dire les planètes et les étoiles.

 

Le nom ARRAKIHS (acronyme de Analysis of Resolved Remnants of Accreted galaxies as a Key Instrument for Halo Surveys) fait allusion à la planète de science-fiction du roman Dune, mais au lieu de chercher des « épices », ce satellite en orbite basse cherchera à dévoiler l’un des secrets les plus sombres de la physique moderne.

 

Quelle est la nature de la matière noire ? Est-elle chaude ou froide ? S’agit-il d’une matière qui interagit avec elle-même ?

 

Des études théoriques ont montré que la signature de la nature de la matière noire est imprimée dans le nombre de systèmes nains faibles autour des galaxies massives, comme la nôtre, et dans les courants stellaires de leur halo.

 

ARRAKIHS ciblera donc 75 de ces analogues de la Voie lactée. Mais ces analogues sont si peu visibles dans le ciel nocturne qu’il est important de les observer depuis l’espace, loin de l’atmosphère terrestre.

 

Grâce à une technologie d’imagerie très performante, les scientifiques dévoileront et caractériseront les caractéristiques du halo stellaire, un défi d’ingénierie compte tenu de la faible luminosité des structures astrophysiques. L’idée est de comparer ces observations avec différents modèles d’énergie noire et leurs prédictions. Chaque galaxie sera observée pendant 150 heures au total et les structures de son halo seront décodées dans les moindres détails.

 

« Cette mission est particulièrement excitante pour moi et mes collaborateurs car elle réunit plusieurs domaines de nos recherches, comme la matière noire et l’évolution des galaxies, mais aussi le traitement d’images et les simulations numériques », poursuit M. Jablonka, qui a été attiré par l’astrophysique parce qu’elle « combine une beauté exceptionnelle et des questions fondamentales sur la formation et l’évolution des systèmes physiques ».

 

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