Un message de Ph. Solal : remettre la statut à l'endroit

Par Philippe Solal

Agrégé de philosophie

Texte dédié à Jean-Pierre Ulmet, Professeur émérite de physique à l’INSA de Toulouse.

 Les investigations portant sur la problématique OVNI nous font sortir du cadre de la science comprise comme annexion et explication du réel par la raison. Cette « sortie » s’effectue par le rejet des deux postulats centraux qui fondent la démarche scientifique depuis 400 ans, c’est-à-dire depuis l’instauration de la science galiléenne, à savoir :

a) l’existence exclusive de la matière, et, corrélativement,  le rejet de la réalité de l’esprit et de la conscience comme substance autonome, puisque pour la science seule existe la matière, l’esprit n’étant qu’un épiphénomène (phénomène second) des processus inhérents à la matière.

b) le postulat selon lequel seul ce qui est mesurable et traduisible en équations est susceptible d’une connaissance rigoureuse.

Le phénomène OVNI nous fait sortir du cadre posé par ces deux postulats idéologiques et nous apprend que la science est comme une statue « dont la tête est à l’envers » pour reprendre une expression qui, en d’autres temps et pour d’autres sujets, fut utilisée par Marx. 

La problématique OVNI nous conduit, en effet, invariablement à penser que c’est la matière qui est un épiphénomène de la conscience et que ce sont donc les bases épistémologiques de notre science qui doivent être changées. Ce changement représente une nouvelle orientation intellectuelle qui ne se fera pas sans effort, sans difficulté, sans contestation ni opposition.

Toute l’opposition de la science à une considération sérieuse du phénomène OVNI est déjà présente dans cette difficulté à admettre la nécessité de cette inversion de perspective, qui fait de notre science un savoir inversé, ayant « la tête en bas ».

J’aurais mille fois préféré, en tant qu’amoureux sincère du travail de la science, que les OVNIS soient des vaisseaux interplanétaires provenant d’autres systèmes stellaires ou d’autres galaxies au sein de notre univers. Mais ce n’est pas vers cette solution que nous pousse l’investigation portant sur ce phénomène. Sa nature est plus complexe et nous conduit à déduire l’existence d’une « noosphère » (au sens de Teilhard de Chardin) ou d’un « web cosmique » dans lesquels seules existent la conscience, l’énergie et l’information, la matière n’étant qu’une ombre et une pure illusion.

Comme dans tout domaine où des théories ne sont ni testables ni vérifiables selon nos canons habituels, cette solution irritera les scientifiques les plus matérialistes et les sceptiques, mais aussi tous les ufologues qui pensent encore, avec conviction et sincérité, que les OVNI sont des vaisseaux interplanétaires voyageant dans l’espace jusqu’à nous. Le caractère, pour l’instant du moins, non démontrables des propositions auxquelles nous conduit la physique de l’information appliquée au mystère des OVNIS, favorisera encore, à n’en pas douter, les divisions et les dogmatismes.

Ce caractère explique pourquoi il n’y a pas domaine plus divisé que l’ufologie, là où l’aspect éminemment étrange du phénomène considéré devrait plutôt nous inviter à l’humilité et à une certaine forme d’unité. Mais comment prouver expérimentalement l’existence d’une telle noosphère, alors que la démarche expérimentale est calquée, taillée sur mesure pour étudier les propriétés de la matière ? Cela ne passera pas par les voies d’un système d’équations ni par la mise en place de protocoles de mesures expérimentales.

C’est à la réponse à cette question que la connaissance humaine du futur devra tenter de répondre en réarticulant science, philosophie et spiritualité, ce que la science galiléenne avait précisément disjoint dans son geste inaugural.

Philippe Solal

18 novembre 2014

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