Message d'Arecibo: pourquoi aucun extraterrestre n'a répondu à notre appel? - Décembre 2018

Le message d'Arecibo a été envoyé il y a 44 ans (photo d'illustration : les lasers du Très Grand Télescope de l'ESO)

 

Il y a 44 ans, le 16 novembre 1974, le plus puissant radiotélescope du monde, Arecibo, envoyait un message dans l'espace. Le but était surtout de démontrer les capacités époustouflantes de cet objet, resté le plus grand de sa catégorie jusqu'en 2016. Mais ce message d'Arecibo, auquel Google rend hommage ce vendredi, "constitue également une tentative de contacter une intelligence extraterrestre".

 

Et on ne parle pas d'une idée loufoque d'illuminés.

 

Les créateurs de ce signal radio sont Carl Sagan et Frank Drake.

 

Le premier, célèbre astronome américain, est l'un des fondateurs de l'exobiologie, l'étude scientifique du développement hypothétique de la vie dans l'Univers.

 

Le second, astronome américain également, a cofondé le projet de recherche SETI, qui vise à détecter une civilisation extraterrestre grâce à nos connaissances scientifiques. Il a également mis au point une équation tentant d'estimer le nombre de ces civilisations dans notre galaxie.

 

Evidemment, le message d'Arecibo n'a pas eu de réponse.

 

Il faut dire qu'il n'en attendait pas tellement: il était dirigé vers l'Amas d'Hercule, à 22.200 années-lumière de la Terre. Il n'a aujourd'hui parcouru que 0,20% de son chemin. Mais si quelqu'un le captait, après l'avoir déchiffré, il aurait découvert de nombreuses informations sur l'Homme, la Terre et notre connaissance de l'Univers. Une sorte de preuve, de bouteille spatiale jetée dans l'océan du vide intersidéral.

 

Une fois le message décodé, on y lit les nombres de un à dix, les numéros atomiques des atomes courants, des formules chimiques, des informations sur l'ADN, un dessin d'un être humain, le système solaire et le radiotélescope d'Arecibo.

 

Le paradoxe de Fermi

 

De manière générale, nous n'avons aucune preuve scientifique de l'existence d'une vie biologique ailleurs que sur la Terre. Et encore moins d'une vie intelligente. Pourtant, cette question de la vie extraterrestre obsède beaucoup de monde, y compris de très nombreux astronomes.

 

Pourquoi cette question nous obsède tant ?

Il y a bien sûr la quête de connaissances. Mais c'est surtout qu'elle nous interpelle.

Pourquoi serions-nous uniques dans l'énormité de l'Univers, ou même plus simplement de notre galaxie?

 

Depuis quelques décennies, nous avons repéré des milliers d'exoplanètes, des planètes en dehors de notre système solaire. Mais c'est un grain de sable.

Si on extrapole, on se rend compte de l'immensité qui nous entoure. Rien que dans notre galaxie, les chiffres donnent le tournis.

Les estimations tablent sur au moins 100 milliards d'étoiles. Même avec l'estimation la plus basse, on peut imaginer la présence, au moins, de milliards de planètes dans la galaxie. Sans même parler des plus de 100 autres milliards de galaxies.

 

Alors bien sûr, les conditions pour que la vie émerge sont difficiles à comprendre et sont certainement rares.

 

Pour autant, vu le nombre de planètes, l'âge de la galaxie et la vitesse à laquelle une espèce intelligente peut se développer technologiquement, on peut s'étonner que la galaxie n'ait pas été colonisée depuis bien longtemps.

 

Ce raisonnement, de nombreux scientifiques l'ont fait.

 

Notamment l'un d'eux, Enrico Fermi, l'un des créateurs de la bombe atomique. Lors d'un déjeuner dans les années 50 avec des collègues physicien, la question de la vie extraterrestre arrive sur la table.

Le chercheur fait alors remarquer ceci: vu l'immensité et l'âge de l'univers, si une civilisation extraterrestre existait, elle aurait certainement eu le temps de s'étendre sur des milliers de mondes et de nous rendre visite.

 

Alors, où sont-ils?

 

C'est le "paradoxe de Fermi". Depuis des milliers de personnes ont essayé de trouver une réponse à ce problème.

 

 

Toujours plus d'hypothèses

 

Des théories, il en existe tellement qu'un physicien, Stephen Webb, a publié un ouvrage évoquant 75 solutions au paradoxe de Fermi, regroupées dans 3 catégories: ils sont là (mais nous ne le savons pas), ils existent mais n'ont pas communiqué avec nous ou encore ils n'existent pas.

 

C'est aussi pour réfléchir à ce paradoxe que Frank Drake a créé sa fameuse équation.

 

Aujourd'hui encore, par pure expérience de pensée ou via des découvertes astronomiques récentes, de nombreux physiciens font régulièrement des hypothèses.

 

La plus pessimiste étant que la vie a existé ailleurs, s'est développée, est devenue intelligente... mais a fini par s'auto-détruire, soit par la guerre, soit par l'exploitation des ressources.

 

Un scénario qu'on peut effectivement imaginer si l'humanité n'arrive pas à endiguer le réchauffement climatique et sa course à la croissance.

 

Mais toutes les hypothèses ne sont pas pessimistes.

 

Certains affirment avoir calculé que la vie est tout simplement très, très rare dans l'univers et que nous sommes peut-être les premiers êtres intelligents de la galaxie.

 

D'autres se demandent si les extraterrestres ne seraient pas en hibernation, ne nous observeraient pas comme dans un zoo, s'ils n'ont pas existé puis se sont éteints... Ou encore s'ils n'ont pas tenté de nous contacter mais que le temps que le message arrive, il y en a pour des siècles.

 

Evidemment, ces hypothèses ne restent que des hypothèses. Mais ces expériences de pensées philosophiques ne sont pas dénuées d'intérêt, loin de là, car elles permettent d'imaginer des schémas, de dénicher des inconnues à tester dans la pratique.

 

Car justement, ce dont la science a besoin pour avancer, c'est de faits, de preuves tangibles.

C'est le but du SETI, qui observe l'espace sur différentes longueurs d'ondes en espérant entendre un signal étranger, une sorte de bouteille à la mer similaire à notre message d'Arecibo.

 

Le grand réseau d'antennes millimétrique/submillimétrique de l'Atacama (ALMA) de l'ESO

 

Ecouter ou émettre, encore et encore

 

D'ailleurs, en septembre, un grand télescope français s'est lui aussi lancé dans la recherche de signaux extraterrestres.

 

 

Pour autant, les chances de trouver un signal sont objectivement extrêmement basses, et ce pour plusieurs raisons. La principale, c'est que nous n'observons qu'une partie infime du ciel.

 

A un moment donné bien défini, pendant lequel une hypothétique civilisation aurait émis un signal il y a très longtemps. Le temps que le message, qui voyage à la vitesse de la lumière, traverse l'immensité qui nous sépare des autres systèmes stellaires. Même pour les plus proches, cela se compte en années.

 

Il y a aussi la question de savoir ce que nous observons. Il y a tellement de moyens de communiquer, de fréquences radios...

 

 

Et même si nous cherchons le bon type de signal, encore faut-il que nous écoutions dans la bonne direction et au bon moment. Au vu de la taille et de l'âge de la galaxie, c'est un peu comme rechercher une aiguille dans une botte de foin. Mais cela peut aussi donner de l'optimisme: si nous n'avons rien trouvé, c'est peut-être tout simplement car nous ne cherchons pas assez.

 

En parallèle, certains chercheurs veulent aller plus loin. Ne pas écouter, mais émettre. Comme le message d'Arecibo, mais en faisant tout pour être entendu. En 2016, un message a été envoyé vers l'étoile polaire Polaris, située à 450 années-lumière.

 

Ce qui veut dire que même si des extraterrestres vivaient autour de cette étoile, l'onde électromagnétique qui contient le message ne les atteindrait qu'en 2466. Cette capsule temporelle était surtout une sorte de testament et de message d'alerte destinée à la Terre, selon l'auteur du projet, l'artiste écossais Paul Quast.

 

Ceci est une simple photo d'illustration. Les lasers du Très Grand Télescope de l'ESO ne sont pas des messages envoyées dans l'espace, mais une technique permettant d'illuminer le ciel d'une manière bien précise pour améliorer la précision des images prises.

 

D'autres, comme les astronomes du METI (une organisation nommée en référence au SETI, mais qui veut émettre plutôt qu'écouter), veulent envoyer de nombreux messages et espèrent être écoutés.

 

Un premier a été envoyé en novembre 2017, à destination de GJ 273b, une exoplanète située à 12,4 années-lumière de la Terre. La porte à côté, à l'échelle de la galaxie.

Un message simple, répété pendant trois jours.

Un tutorial mathématique et scientifique utilisant une "langue cosmique" imaginée par un mathématicien pour communiquer de la manière la plus abstraite possible, en faisant fi de nos références culturelles.

 

Une initiative qui a créé la polémique, même si les chances d'obtenir une réponse sont, au mieux, infinitésimales. Déjà, des chercheurs ont critiqué l'idée même des ces bouteilles à la mer, estimant que les chances de réponses sont trop faibles face aux coûts. Mais certains scientifiques vont plus loin dans la désapprobation.

 

Un débat qui peut se résumer ainsi: si nous envoyons des messages dans l'espace, nous signalons notre présence à de potentielles civilisations avancées, sans rien savoir d'elles.

 

Et si des aliens à la technologie avancée envahissaient notre monde en remontant à l'origine du message?

 

C'est un peu ce que redoutait Stephen Hawking.

 

L'astrobiologiste Dirk Schulze-Makuch affirme lui que les conséquences de ce genre de message sont si grandes que l'envoi d'un tel signal devrait faire l'objet d'un débat citoyen et ne pas être simplement décidé par "un petit groupe de scientifiques".

 

Tant de débats sans aucune preuve, cela peut sembler étrange de la part de scientifiques.

 

Mais quand on pense à toutes les implications scientifiques et philosophiques qu'aurait la découverte d'une preuve de l'existence d'une vie intelligente extraterrestre, en fait-on finalement assez ?

 

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