Première photo d’un trou noir : comment suivre l’annonce en direct - 10/04/2019

À quoi ressemble un trou noir ? L’humanité est sur le point d’observer enfin cet objet céleste. Une photo de Sagittaire A*, le probable trou noir de la Voie lactée, doit être dévoilée en direct le 10 avril.

Au centre de notre galaxie, se cache très probablement un trou noir. Pour la première fois, les astronomes vont découvrir une photographie de cet objet céleste. L’impatience des spécialistes de la discipline ainsi que du grand public est palpable, pour de multiples raisons.

 

À l’heure actuelle, les scientifiques ne savent observer que l’entourage des trous noirs, et non ce qui se trouve à l’intérieur de leur disque. L’annonce de cette photographie historique sera retransmise en direct : voici comment la suivre.

 

Quand ? Le 10 avril 2019, à 15 heures (heure française).

 

Où ? Sur YouTube, où la conférence sera diffusée par la Commission européenne.

 

Quoi ?

Cette photographie doit permettre de découvrir Sagittaire A*, une source d’ondes radio connue depuis 45 ans et fortement soupçonnée d’être un trou noir dans la Voie lactée.

 

Ce que l’on attend de cette photo

 

La première observation directe d’un trou noir est un événement astronomique.

 

Le cliché doit permettre de voir enfin l’ « horizon des événements », soit la surface (au sens géométrique) du trou noir.

 

Ce serait alors l’occasion d’étudier le champ gravitationnel de cet objet, qui est si intense qu’aucun rayonnement ne s’en échappe.

 

Sagittaire A* est certainement un trou noir super massif, qui fait environ 4 millions de masses solaires. Réussir à l’immortaliser est une prouesse sur le plan technologique.

 

Pour cela, un vaste réseau d’observatoires a vu le jour.

 

Le projet de l’Event Horizon Telescope a permis de créer un « télescope virtuel » d’un diamètre équivalent à celui de notre planète. Les observations ont eu lieu entre le 5 et le 14 avril 2017. Depuis, les astronomes ont acheminé et étudié ces données, tellement lourdes qu’elles ne pourraient pas être transférées par Internet.

 


Trou noir, horizon des évènements et relativité générale d'Einstein

 

L'idée avait déjà été conçue au XVIIIe siècle par John Michell et Pierre-Simon de Laplace. Mais, pour un physicien et un astrophysicien moderne, un trou noir est, d'abord et avant tout, caractérisé par l'existence d'un horizon des évènements, ce qui, dans ce cas précis, est une surface sphérique délimitant une région de l'espace-temps dont même la lumière ne peut sortir.

 

Dans le cadre des équations de la relativité générale, un tel objet est décrit par une unique famille de solutions des équations d'Einstein dites de Kerr-Newman et qui correspondent à un trou noir en rotation possédant un moment cinétique, une masse et une charge électrique.

 

Trous noirs de Kerr, de Schwarzschild et de Reissner-Nordström

 

quand un trou noir tourne mais est sans charge, on parle de trou noir de Kerr ;

quand un trou noir ne tourne pas et est sans charge, on parle de trou noir de Schwarzschild ;

quand un trou noir ne tourne pas mais a une charge, il est décrit par la solution de Reissner-Nordström.

 

Bien qu'une singularité de l'espace-temps soit présente dans ces solutions, elle ne caractérise pas un trou noir. Les astrophysiciens ont des raisons de penser qu'un traitement quantique de l'espace-temps et de la matière à l'intérieur d'un trou noir supprime cette singularité qui peut être décrite approximativement comme un point de densité infinie où la courbure de l'espace-temps est également infinie. Un modèle quantique de trou noir conduit au concept d'étoile de Planck.

 

 

Trous noirs stellaires, trous noirs supermassifs et mini trous noirs

 

Les trous noirs stellaires se forment à l'occasion de l'effondrement gravitationnel de certaines étoiles massives qui explosent en supernovae.

On sait qu'il existe, au cœur de certaines galaxies, des trous noirs dits supermassifs. Ils contiennent de quelques millions à quelques milliards de masses solaires, mais l'on ne comprend pas bien comment ils se forment.

Il pourrait également exister des mini trous noirs issus des phases très primitives de l'univers. L'Homme pourrait en créer grâce à des collisions de particules dans des accélérateurs.

Les astrophysiciens ont des raisons de penser que les trous noirs chargés se déchargent spontanément et très rapidement. Ainsi, ceux qui existent dans l'univers ne devraient être que des trous noirs de Kerr ou de Schwarzschild.

 

Trous noirs : le prix Nobel de physique pour Chandrasekhar

 

Subrahmanyan Chandrasekhar avait prévu la formation des trous noirs avant tout le monde au début des années 1930 en découvrant qu'une étoile ayant épuisé son carburant nucléaire et dont la masse dépassait 1,44 masse solaire devait s'effondrer sur elle-même. Bien qu'un tel effondrement gravitationnel puisse parfois simplement conduire à la formation d'une étoile à neutrons, il peut aussi conduire à celle d'un trou noir, comme Robert Oppenheimer et George Volkoff l'ont montré en compagnie d'Hartland Snyder.

 

La théorie des trous noirs fit l'objet d'impressionnants travaux de la part de Chandrasekhar pendant les années 1970. Avec sa découverte de ce qui s'appelle maintenant « la masse de Chandrasekhar », ils furent en partie à l'origine de son prix Nobel de physique, obtenu en 1983. Comme d'habitude pour la remise de ce prix, le lauréat donna une conférence. À la fin de celle-ci, le grand astrophysicien indien fit de fascinantes remarques concernant la théorie mathématique des trous noirs :

 

« Je ne sais pas si toute la portée de ce que j'ai dit est claire. Laissez-moi vous expliquer. Les trous noirs sont des objets macroscopiques avec des masses variant de quelques masses solaires à des milliards de masses solaires. Lorsqu'ils peuvent être considérés comme stationnaires et isolés, ils sont tous, chacun d'entre eux, décrits exactement par la solution de Kerr. C'est le seul cas connu où nous avons une description exacte d'un objet macroscopique.

 

Les objets macroscopiques tout autour de nous sont régis par une variété de forces, décrites par diverses approximations de plusieurs théories physiques. [...] En revanche, les seuls éléments de construction de trous noirs sont nos concepts de base de l'espace et du temps. Ils sont ainsi, presque par définition, les objets macroscopiques les plus parfaits de l'univers. Et, puisque la théorie de la relativité générale nous fournit une famille de solutions dépendant uniquement de deux paramètres pour leur description, ils sont aussi les objets les plus simples de l'univers ».

 

Trous noirs : le rayonnement de Hawking

 

Ces considérations posent problème car elles conduisent à penser que toute l'information contenue dans les objets tombant dans un trou noir (à commencer par celle contenue dans une étoile se transformant en trou noir) est définitivement détruite, ou pour le moins inaccessible. Un trou noir devrait donc posséder une entropie et, comme tout objet possédant une entropie, il devrait posséder une température et rayonner. C'est la conclusion à laquelle est arrivé Stephen Hawking en appliquant la mécanique quantique aux trous noirs, ce qui lui a permis de découvrir que ceux-ci devaient émettre du rayonnement à la façon d'un corps noir chauffé.

 

Les trous noirs devraient donc s'évaporer par rayonnement Hawking. Pourtant, aucune observation ne soutient cette théorie à ce jour, bien qu'elle semble très solide sur les bases de la physique théorique actuelle. Elle conduit cependant à des paradoxes, comme le paradoxe de l'information et le paradoxe du pare-feu, dont les solutions révolutionneraient la physique.

 

Les astrophysiciens cherchent à démontrer que les objets qui se comportent comme des trous noirs le sont vraiment, c'est-à-dire qu'ils possèdent des horizons des évènements. L'étude des ondes gravitationnelles émises par des fusions de trous noirs, avec Ligo mais surtout eLisa, et peut-être aussi le Event Horizon Telescope, pourrait nous apporter des réponses à ce sujet.

 

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