Les OVNIs de Reims

"MIS EN LIGNE LE 24/08/2020 À 06:00  FABRICE CURLIER

 

Premier volet d’une série de sept articles sur les observations d’objets volants non identifiés dans la région rémoise. À l’époque des premiers cas connus, on parlait de “soucoupes volantes”.

 

Août 1954, sur la route d’Epoye. Revue Phénomènes spatiaux/dessin Joël MesnardAoût 1954, sur la route d’Epoye. Revue Phénomènes spatiaux/dessin Joël Mesnard

 

L’histoire officielle des ovnis commence le 24 juin 1947, à 8 000 kilomètres de Reims, dans l’État américain de Washington. Ce jour-là, un pilote privé qui survole le mont Rainier voit passer une formation de « neuf disques » d’aspect métallique, brillant au soleil. Ils se déplacent de façon étrange, « comme une soucoupe que vous feriez ricocher sur l’eau », dit-il à deux journalistes locaux. L’information est reprise par une agence de presse qui invente une expression passée à la postérité : « flying saucer » (soucoupe volante). Elle devient célèbre en quelques jours, d’autant qu’après la médiatisation de ce premier cas, des centaines de témoins se manifestent partout aux USA pour signaler qu’eux aussi ont vu des “soucoupes volantes”, terme dès lors utilisé pour désigner tout objet aérien mystérieux quelle que soit sa forme

 

Avant la guerre, trois « disques » au-dessus de Reims

 

Vu de Reims, c’est loin, l’Amérique. En cette fin des années 40, les seules “soucoupes” relatées par la presse française sont celles d’Outre-Atlantique. Le pays reste quasiment vierge d’apparitions insolites, du moins en apparence car les témoins, à l’époque, ne parlent pas. Parmi eux, un Rémois qui aura attendu l’âge de 64 ans, en 1994, pour confier à L’union une observation effectuée juste avant la Seconde Guerre mondiale à la Verrerie. « Un soir d’été, que je situe en juillet-août 1939, vers 20 heures, un très léger soufflement nous a fait lever la tête. Trois disques lumineux traversaient le ciel de Reims, suivant exactement le tracé du canal. Les trois disques, alignés, semblaient décalés, le premier le plus haut, le troisième le plus bas. Ils étaient à faible altitude, orangé luminescent, avec une très légère traînée. » Météores ?

 

En novembre 1943, un étudiant en médecine quitte Reims à vélo pour rentrer chez ses parents dans les Ardennes. Il fait un noir d’encre. Soudain, après avoir dépassé Isles-sur-Suippe, « apparaît une lueur qui s’amplifie rapidement ». « J’ai pensé à un véhicule arrivant derrière moi. En fait, pas de véhicule mais un objet bizarre dans le ciel qui avançait rapidement en tournant comme une toupie. Cet objet envoyait une très grande lumière au sol – je me serais cru en plein jour – et émettait un bruit de souffle intermittent – chouf ! chouf ! –, un peu comme une locomotive qui démarre. Pas d’étincelles, pas de flammes, pas de traînée. La vision n’a pas duré plus d’une minute. Une peur panique m’a pris et j’ai foncé vers Rethel. ».

 

Pendant 66 ans, il n’a rien dit. « Ce monsieur m’a transmis son témoignage en 2009, alors qu’il était âgé de 87 ans. Il voulait laisser une trace de ce qu’il avait vu avant de mourir », se souvient l’Ardennais Jean-Luc Lemaire, spécialiste des ovnis.

 

Des signes effrayants dans le ciel

 

Les chroniques anciennes rapportent souvent d’étranges phénomènes célestes qui suscitèrent la crainte des contemporains. Ils y voyaient de mauvais présages. Dans son Histoire de Reims parue en 1845, le religieux Guillaume Dom Marlot évoquait ainsi une inquiétante manifestation en date du 8 mars 1651. « À huict heures au soir, le ciel parut tout en feu et entr’ouvert au-dessus de Reims, jettant des éclairs entremeslés d’estincelles brillantes comme des estoiles, présage des guerres civiles qui recommencèrent au mois d’aoust ». Peut-être un phénomène naturel qui s’expliquerait facilement aujourd’hui.

 

Début 1948, à Reims, un jeune cycliste surpris par une averse de grêle s’abrite sous le porche d’un immeuble de la cité SNCF. « Je surveillais le ciel quand mon regard fut attiré, dans l’éclaircie, par un chapelet de traits bleu turquoise très prononcé dont la source n’était pas visible », témoignera-t-il 50 ans plus tard auprès d’une association rémoise aujourd’hui disparue. « Au bout d’une dizaine de traits, ceux-ci viraient au rose vif puis au violet. Le plus étrange, c’est que ce violet s’étalait en une surface qui ne semblait pas avoir de limite. » Phénomène météo ?

 

Au début des années 50, des “soucoupes” françaises commencent à apparaître dans la presse. Nombre de cas sont toutefois des confusions, et il faut attendre 1954 pour trouver trace dans la région rémoise d’une première observation à haute étrangeté. Le témoin n’en a parlé que bien plus tard à une association parisienne des années 60-70 qui publia le récit dans sa revue Phénomènes spatiaux, en 1968.

 

Aveuglé par un éclair dirigé sur lui

 

Ce soir d’août, vers 22 h 45, le témoin roule entre Berru et Époye lorsque son auto est « soudainement prise dans un rayon lumineux très puissant » qui suit sa progression. « Je donnais un coup de frein. Le faisceau de lumière suivit fidèlement la décélération. ».

 

L’automobiliste s’arrête : le faisceau s’éteint. Il regarde par la vitre, ne voit rien et repart. « Dès les premiers mètres, le projecteur éclaira de nouveau la zone dans laquelle je roulais. » Arrêt, extinction… : deux autres fois la scène se répète. L’homme descend et attend. C’est alors qu’il aperçoit vers Époye « une couronne constituée par deux cercles concentriques, de couleur jaune vert », immobile. Peu après, du haut de la couronne, jaillit un « éclair bleu électrique » dirigé droit sur lui. « Je fus aveuglé quelques minutes ». Sa vision revenue, des « étincelles multicolores » sortent du dessous de la chose qui vacille et disparaît à une vitesse foudroyante. Fin du spectacle.

 

Nous sommes en août, bientôt arrive l’automne et avec lui une chose étrange : pendant deux mois, partout en France, des milliers de personnes vont se mettre à voir des “soucoupes volantes”. La région rémoise ne va pas y échapper.

 

Prochain article : Automne 1954, des “soucoupes” partout.

 

Des ovis souvent, des ovnis parfois

 

Les ovnis suscitent bien des moqueries ou des délires, avec au milieu un petit monde de chercheurs bénévoles qui défendent une approche prudente du dossier. L’un d’eux habite la région. Domicilié à Charleville-Mézières, Jean-Luc Lemaire a mené de nombreuses enquêtes au cours desquelles il a bien plus souvent croisé des ovis – objets volants identifiés – que des ovnis.

 

« Souvent, ce qui est inexpliqué pour un novice ne l’est pas pour une personne disposant de toutes les compétences nécessaires pour analyser le phénomène observé. Recueillir les données auprès du témoin permet de les comparer avec le catalogue des explications conventionnelles. On arrive ainsi à résoudre la plupart des observations. Malgré ce filtrage, il en reste certaines qui résistent, et c’est là que nous touchons réellement au ‘‘non identifié’’, à quelque chose qui se trouve hors de portée de nos connaissances actuelles. C’est inexplicable, point barre ! Après, chacun est libre de penser ce qu’il veut, mais on bascule dans le subjectif. À chacun son idée ! ».

 

Les théories ne manquent pas. Phénomènes naturels d’ordre physique, électrique, électromagnétique… ? Visiteurs venus d’ailleurs (de l’espace, d’une autre dimension…) ? « Objets » matériels ou virtuels, images/hologrammes projetés par une intelligence ou « imprimées » par celle-ci dans la conscience des témoins qui pensent observer une scène réelle en fait seulement perçue par eux ? Phénomènes produits inconsciemment par le psychisme du témoin (ou l’un des témoins s’ils sont plusieurs) avec possibilité d’effets physiques ? Présence dans l’environnement d’une sorte d’énergie capable de provoquer des visions sous certaines conditions ? Des décennies que les spécialistes en débattent pendant que le phénomène, indifférent à toutes ces prises de tête, continue de faire le spectacle.".

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